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The X-Files 10×03 : Mulder & Scully Meet the Were-Monster (Critique de l’épisode)

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‘‘Who is more in need of an antipsychotic – the man who believes he is a werelizard, or the man who believes him?’’

Darin Morgan, auteur au style unique et scénariste beaucoup trop rare – il a écrit 12 épisodes diffusés de séries sur une période de 20 ans – faisait son retour, en même temps que la série qui l’a fait connaître, avec un épisode attendu de pied ferme par les fans et la critique.

 

« Mulder & Scully Meet the Were-Monster » – Écrit et réalisé par Darin Morgan

Darin Morgan est un véritable personnage lui-même – ce n’est pas pour rien que Vince Gilligan finit par le pousser devant la caméra pour le faire jouer la guest star principal de l’épisode Small Potatoes [4×20].

 

Un auteur singulier

Son portrait-robot est celui d’un dépressif chronique désabusé, mais incapable d’écrire autre chose que des comédies. Il ressemble finalement beaucoup à Mulder, si ce n’est que sa vérité à lui, qu’il recherche dans une quête sans fin, serait une raison de croire en la nature humaine, malgré l’absurdité de sa condition. En fait, il est exactement comme Mulder, qui recherche des connexions humaines bien plus que les extraterrestres ou la ‘‘vérité’’. Précisément pour cette raison, sans doute, Darin Morgan écrit systématiquement Mulder comme un taré pathétique dont il se moque abondamment.

Darin Morgan dirigeant les comédiens

Darin Morgan dirigeant les comédiens

Solitaire, incapable de travailler dans une writers room traditionnelle – ce qui explique qu’il soit resté une demi-saison sur une série comme Fringe sans être en mesure d’écrire le moindre épisode – Darin Morgan n’a jamais trouvé que trois employeurs capables de le faire venir à bout de ses démons intérieurs et livrer un script : son frère Glen Morgan, Frank Spotnitz et Chris Carter.

Un sens des dialogues ciselés où la répartie se mêle au sens de l’absurde, le paradoxe entre la légèreté du ton et la noirceur du fond et une volonté de toujours ancrer sa comédie dans un véritable propos sont les principales caractéristiques de l’écriture de Darin Morgan. Mais l’auteur est extrêmement critique envers lui-même (son deuxième épisode, Clyde Bruckman’s Final Repose [3×04] fut écrit dans l’état dépressif né de l’impression d’avoir totalement raté son premier, le chef-d’œuvre Humbug [2×20]). Il a ainsi toujours rejeté le pourtant très réussi War of the Coprophages [3×12], accusé de ne pas avoir assez de substance.

Il est tout aussi critique envers les autres, moquant par exemple les épisodes décalés des saisons ultérieures de The X-Files, trop outrancièrement comiques à son goût (cet épisode ne se prive pourtant pas d’emprunter à leur totale liberté de ton). C’est cet esprit critique poussé qui conduisit Darin Morgan, lorsqu’il quitta The X-Files pour rejoindre l’autre série de Chris Carter – MillenniuM, lors de sa deuxième saison, showrunnée par Glen Morgan et James Wong – à passer à la réalisation. Il a, dès lors, pu laisser libre court à l’aspect control freak de sa personnalité, et s’assurer que chaque joke était rendue par les acteurs exactement comme il l’avait imaginée. Néanmoins, sur le plan du rythme, du dynamisme, de la fluidité et d’une certaine élégance générale, ses épisodes n’ont plus retrouvé le niveau de ses meilleurs segments passés entre les mains expertes de Kim Manners ou Rob Bowman (il y a là le germe d’une fable sur les bienfaits du compromis dans une collaboration artistique qui pourrait presque servir de base à un épisode de Darin Morgan). Le regretté Manners, auquel cet épisode rend un bel hommage, aurait ainsi pu mettre en scène le were-lizard d’une manière plus sombre, graphique, et beaucoup moins ridicule.

Mes pointillages sur la réalisation mis à part, les deux épisodes de MillenniuM de Darin Morgan étaient, eux aussi, très réussis. Probablement encore plus proches du point de vue d’auteur de Darin Morgan que ses segments pour X-Files, ils étaient toutefois plus bavards et moins visuels. L’un reprenait le personnage de Jose Chung, écrivain apparu dans son dernier épisode de X-Files, pour passer les codes de la série de serial killers à la moulinette. Were-Monster partage pas mal de liens thématiques avec le deuxième, Somehow, Satan Got Behind Me, qui montrait quatre démons désœuvrés, dépassés par les tortures diaboliques que les Humains s’infligent à eux-mêmes, qu’ils ne peuvent guère surpasser (le réveille-matin figurait déjà en bonne place).

 

A trip down memory lane
Le monstre n'est pas celui qu'on croit

Le monstre n’est pas celui qu’on croit

Mulder & Scully meet the Were-Monster est pavé de références à la série, ce qui est d’autant plus singulier que l’épisode n’était pas, au départ, destiné à The X-Files !

En effet, en 2005, Darin Morgan est engagé par Frank Spotnitz pour travailler sur son remake de Night Stalker, diffusé sur ABC. C’est dans ce cadre qu’il développe le concept de cet épisode. Il termine le script, à l’époque intitulé The M Word, de ce qui devait être le 11ème épisode de la saison. Mais, à la veille du début de la préproduction, Night Stalker est annulée par ABC après six épisodes diffusés. The M Word ne sera jamais tourné.

La chaîne ABC avait poussé le remake dans le but qu’il ressemble à X-Files en demandant à Spotnitz d’ajouter une partenaire sceptique au personnage de Carl Kolchak. Même sans cela, les deux téléfilms et la série originale des années 70 sont des inspirations majeures de Chris Carter, si bien qu’avec quelques ajustements, The M Word a facilement trouvé sa place dans les épisodes de ce Revival. Vu le rapport au travail de son auteur, que Mulder & Scully Meet the Were-Monster développe clairement, on ne sera pas surpris de ce recyclage !

De M Word à Were-Monster, l’histoire est pratiquement inchangée. Le début de l’enquête a été compacté, pour laisser la place à plus de character-moments entre Mulder et Scully. Par ailleurs, de nombreuses confrontations entre Kolchak et son boss, le rédacteur en chef de son journal, ont été supprimées, parce qu’elles étaient au cœur de la private joke principale de cette ancienne version du script : en effet, la chaîne ABC avait commandé le remake d’une série dans laquelle un journaliste traquait les monstres, mais interdisait aux auteurs d’écrire des épisodes avec des monstres. Dans l’épisode, le rédac’ chef barrait impitoyablement toute référence à un monstre (le mot en M) dans les articles de Kolchak.

Néanmoins, le scénario a été considérablement amélioré, parce qu’il a gagné en épaisseur et en émotions. Night Stalker en était à ses débuts, et les personnages encore en train d’être définis. Clairement, le rapport de Darin Morgan à Mulder et Scully n’est pas le même, il est bien plus affectueux et plus riche. Leurs joutes sont bien plus réussies et moins caricaturales, ce qui donne quelques très bons moments tels que celui où Mulder développe les deux côtés de l’argumentation sans laisser parler Scully. Le commentaire sur la crise de milieu de vie de Mulder, et son sentiment face à son retour à la case départ, le même que vit le scénariste, ajoutent une couche de discours méta que Darin a toujours bien aimé.
Par ailleurs, le propos sur l’absurdité de la condition humaine a été développé et renforcé de plusieurs éléments supplémentaires.

Action!Scully, toujours efficace

Action! Scully, toujours efficace

Au rayon des références : Morgan continue de torturer le poster I Want to Believe de Mulder (alerte épisodes diffusés dans le désordre : le bureau des affaires non-classées est en plein aménagement alors qu’il était complètement installé dans l’épisode précédent), il rappelle les deux drogués apparus dans son épisode War of the Coprophages et revus dans Quagmire [3×22] à l’écriture duquel il avait largement collaboré sans être crédité, il mentionne « l’immortalité » de Scully (une théorie de fans tirée d’une réplique de Clyde Bruckman interprétée de travers), ou encore son chien Queequeg, adopté en saison 3 avant de finir dévoré par un monstre crocodile, etc. Guy Man (le nom d’humain que s’est donné le monstre) s’est, quant à lui, vu attribuer une tenue ressemblant comme deux gouttes d’eau à celle de Kolchak dans la série des années 70.

Outre l’exceptionnel Rhys Darby, de Flight of the Conchords, Darin Morgan s’entoure du fan de X-Files, Kumail Nanjiani, rencontré lors de l’enregistrement de son podcast sur la série, The X-Files Files et du drag-queen D.J. Pierce qui permet de dérouler quelques plaisanteries transphobes usées. (J’aime bien l’idée de montrer Mulder en type vieillissant un peu dépassé par ce genre de sujets, et on peut mettre en scène un personnage avoir des comportements transphobes sans que la fiction elle-même ne le soit. Mais en l’occurrence, il n’y a aucune prise de distance dans l’épisode. D’ailleurs, le personnage était un travesti dans la version de 2005, on sent l’influence de la vague médiatique Caitlyn Jenner au moment de l’écriture).

 

Drôle et intelligent, Mulder & Scully Meet the Were-Monster est un épisode très réussi, bien qu’il soit en quelques endroits un tout petit peu complaisant. En tant que fan, il est agréable de voir l’élasticité extrême de la série déployée au fil de ces trois premiers épisodes, mais peut-être le changement est-il brutal pour quelqu’un qui ne serait pas habitué aux différents styles de la série originale. Quoi qu’il en soit, la différence qualitative avec les épisodes précédents est loin d’être aussi marquée que ce que laissaient entendre des critiques américains qui veulent condamner The X-Files à l’autoparodie par incapacité à la prendre, ainsi que David Duchovny, au sérieux.


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