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The X Files 10×06 : My Struggle II (Critique de l’épisode)

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‘‘You have no idea how well we planned.’’

 

À l’annonce du revival de The X Files, j’avais moi-même spéculé que cette mini-saison aurait pour objectif d’apporter une conclusion à l’univers de la série. My Struggle II démontre clairement que tel n’a jamais été l’intention de Chris Carter : quoi que sur un rythme qui reste à préciser, les X-Files vont à nouveau faire partie du paysage dans les années à venir. La saison 10 était en fait… une introduction.

 

« My Struggle II » – Écrit et réalisé par Chris Carter

En arrivant au bureau, Scully découvre que Mulder a disparu. Il n’a laissé derrière lui que son ordinateur portable, ouvert sur la dernière émission du show conspirationniste de Tad O’Malley, de retour après six semaines d’absence pour évoquer la présence d’ADN extraterrestre dans le génome de tous les citoyens américains. Bientôt, une étrange épidémie se déclare semblant confirmer les pires craintes de Scully. Avec l’aide de l’agent Einstein, elle doit comprendre l’origine de l’infection pour espérer la stopper.

 

Apocalypse, now !

Évacuons d’emblée le principal défaut de My Struggle II : cette impression de narration précipitée qui force quelque peu le spectateur à prendre le train en marche. Nombreux sont ceux qui sont restés à quai, ce qui peut se comprendre.

Sans doute que, sans un attachement préalablement acquis aux personnages et aux intrigues de la série, cet épisode est particulièrement difficile à appréhender, notamment parce qu’il mêle rythme frénétique, base scientifique ardue et la narration puzzle typique de la série et de l’écriture de Chris Carter – celle qui fait qu’on aime son travail ou qu’on le trouve inaccessible.

La manière dont Mulder sème des cailloux blancs numériques pour pouvoir être retrouvé par Scully au cas où les choses tourneraient mal est exemplaire de cette narration particulière, qui demande au spectateur de s’investir pour assembler les pièces. Ce n’est pas très difficile une fois que l’on replace les événements dans leur ordre chronologique.

Mulder se trouvait chez lui quand l’homme de main de l’Homme à la cigarette est venu le convoquer. Quand Scully arrive au FBI, il se trouve sur la route, mais son ordinateur a été laissé en évidence sur son bureau. L’implication est claire : Mulder est repassé au service des affaires non-classées pour y laisser cet ordinateur à l’attention de Scully. La vidéo de l’émission d’O’Malley permet à Mulder de communiquer à Scully ce dont il s’agit (il est en contact avec O’Malley, d’ailleurs, ils avaient pris rendez-vous). Il a de plus installé une application de localisation de son téléphone spécialement à cette occasion, pour que Scully retrouve sa trace. Mais celle-ci le connaît trop pour imaginer que son partenaire paranoïaque puisse avoir une telle app, sans compter que ses compétences sont vite mobilisées par la crise sanitaire. C’est pourquoi il faut l’œil extérieur de Miller pour repérer cet indice.

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Il est d’emblée évident que My Struggle II aurait gagné à être un épisode en deux parties, ou au minimum un supersized episode comme le sont souvent les season finale de Doctor Who. En l’espèce, la rigidité des grilles de programmes des grands Networks américains est une vraie difficulté. On réalise que la flexibilité est le principal atout des offres concurrentes du câble ou des séries internationales.

Le plus rageant est que, même en gardant le format de The X Files, c’est-à-dire l’alternance d’épisodes indépendants et d’épisodes mythologiques, absolument indispensables pour que la série déploie toute l’étendue de sa créativité, il aurait été assez facile d’introduire en bruit de fond des cinq épisodes précédents le motif d’une contagion un peu mystérieuse, similaire au début de l’épidémie du Sida à l’orée des années 80. Une belle occasion manquée. Si cet élément avait déjà été en place au démarrage de l’épisode, le temps gagné aurait permis d’améliorer des transitions menées au pas de charge et rendu un peu moins voyantes d’autres accélérations subites du rythme – la manière dont Scully fait, en trente secondes, un diagnostic sur l’état de santé de Mulder et saute à la conclusion selon laquelle il a besoin de cellules souches de William, est le point le plus limite de l’épisode, aussi bien sur le plan de la vérité des personnages que sur celui de la vérité scientifique. Dommage d’autant plus que tout le reste de l’intrigue, basée sur le matériel fourni à Chris Carter par les Docteures Anne Simon et Margaret Fearon, est au contraire très solide scientifiquement, ce qui donne de la télévision différente et exigeante. Une de ces expérimentations que j’ai appréciée dans ce revival, même si Carter doit parfois recourir à quelques contorsions pour que les dialogues nous permettent de suivre l’action.

Anne Simon est depuis toujours la conseillère scientifique de la série et le fait que le domaine de compétence particulier de cette biologiste soit la virologie n’est pas étranger à la profusion de virus dans la série, au risque de rendre les confusions faciles. Jusqu’ici, nous avions le rétrovirus du sang vert des aliens et hybrides (The Erlenmeyer Flask, Colony…) et le virus de l’Huile Noire (Fight the Future). Le Virus Spartiate et son vaccin, un gène extraterrestre, viennent désormais compléter cette galerie biologique d’outre-espace.

StruggleII-008Il faudrait aussi que Carter se défasse de cette nouvelle manie d’écrire ses dialogues sous la forme d’une succession de phrases signatures. Je suis vraiment fatigué d’entendre en boucle « don’t give up : I want to believe the truth is out there » — des phrases qui n’apparaissaient que très exceptionnellement dans la bouche des personnages dans la série originale. Comme si Carter voulait compenser ses scripts expérimentaux (car Babylon et My Struggle II sont exactement cela, avec ce que cela comporte de réussites et d’échecs, mais aussi avec le sentiment rafraîchissant de s’éloigner de moules convenus) par cette forme de fan-service complaisante.

Malgré ce sentiment de précipitation, la tension de ce récit aux allures de prémisses de l’apocalypse a marché sur moi, d’autant plus qu’il a l’avantage de mener la série sur des territoires qu’elle n’a pas exploré au fil des 202 épisodes de sa version originale.

Cela dit, Chris Carter se réserve des marges de manœuvre qui empêcheront la suite de totalement basculer – aux yeux des habitants de l’univers de X-Files, il s’agit juste d’une épidémie de masse du genre de celles auxquelles on prépare le grand public depuis plusieurs années, qu’elles s’appellent H5N1 ou Ebola. Dans ces circonstances, il ne sera pas si difficile d’expliquer que l’armée a eu recours à un engin expérimental, du type de ceux existants déjà depuis 1993 (Deep Throat) et ayant été l’objet de multiples témoignages et rumeurs.
Bref : les extraterrestres sont loin d’être devenus un fait public, juste une théorie de la conspiration parmi d’autres sur Internet. D’ailleurs, une des réussites de la saison est la jolie construction en miroir de My Struggle I & II. Si le deuxième se termine sur une apparition publique d’OVNI – ou d’un ARV (un OVNI militaire) – le premier commençait en montrant d’autres apparitions publiques et filmées de vaisseaux, oubliées ou ridiculisées par les médias mainstream, ce que cet événement deviendra bientôt dans la mémoire collective.

 

Où en est la mythologie ?

Carter a voulu frapper un grand coup en permettant aux téléspectateurs de rejoindre la série avec cette saison 10 au travers d’une mythologie simplifiée en apparence. Le mot-clef, bien sûr, est en apparence. Rappelons à nouveau cette citation de Mulder dans Founder’s Mutation, un épisode qui, dans l’ordre d’origine, aurait dû être diffusé juste avant celui-ci :

In 1973, the Syndicate was convened to assist in a project to colonize the world by creating Alien-Human hybrids. The project was ultimately unsuccessful. I doubt they ever stopped trying.

En 1973, le Syndicat a été assemblé pour aider un projet de colonisation de la Terre par la création d’hybrides d’Aliens et d’humains. Le projet a échoué au bout du compte. Mais je doute qu’ils n’aient jamais arrêté d’essayer.

Cette réplique est la petite pierre qui permet de clarifier les choses. Les extraterrestres existent, ils ont bien eu l’intention de nous coloniser, et tout ce que nous avons appris dans la série d’origine est toujours vrai. La « conspiration d’hommes », sujet du chapitre actuel de la mythologie, s’inscrit pleinement dans ce cadre. Toute la difficulté est que cette fin de dixième saison nous laisse au milieu d’un arc. Or, il est toujours très difficile de comprendre où Carter veut en venir quand il n’est encore qu’à mi-chemin de ses histoires.

La dernière fois qu’un nouveau chapitre a été introduit dans The X Files, c’était celui des Super-soldats en saison 8. Lors de la diffusion originale du final de cette saison, les motivations de ces Répliquants extraterrestres étaient impossibles à saisir – ils semblaient se diviser en deux camps distincts. C’est seulement la diffusion de Provenance et Providence, des mois plus tard, qui permettrait de les comprendre, ainsi que les raisons du comportement de Krycek dans l’épisode Deadalive, qui datait pour sa part déjà d’une année. Nous sommes à peu près dans la même situation. Un tour des sites de fans de la mythologie vous permettra de lire des théories encore totalement divergentes, preuve de la totale polysémie de la série à ce stade. Orodromeus de Eat the Corn, en pleine crise de foi, s’imagine que Chris Carter a réellement réécrit le passé de la série, tandis que Chris Knowles de Secret Sun surinterprète à mon sens trop l’imagerie, oubliant qu’il n’y a pas 36 façons de filmer quelqu’un qui regarde en l’air un OVNI.

Permettez-moi d’introduire ma propre version, dérivée et mise à jour des conjectures établies au moment du visionnage de Founder’s Mutation. Mais commençons par clarifier ce que l’on sait…

 

Le(s) Projet(s)

À l’origine, les extraterrestres étaient un ennemi que les gouvernements mondiaux s’étaient promis d’éliminer (la résolution secrète de l’ONU 1013, évoquée dans la première et la quatrième saison) – il est donc logique de montrer des militaires tuer les survivants du crash de 1947 dans le season premiere. C’est seulement en 1973 que le Syndicat fit sécession des agences gouvernementales officielles (qui croyaient donc que le monde de la résolution 1013 continuait d’exister) pour engager une politique ambiguë de collaboration avec les extraterrestres.

Leur mission officielle était de préparer la colonisation en échange du droit de survivre eux-mêmes, transformés en hybrides immunisés contre l’Huile Noire par le biais d’une thérapie génique qui demanda des décades de recherche (The Erlenmeyer Flask, Two Fathers/One Son). Mais ils avaient aussi une mission secrète : utiliser le matériel génétique fourni par les extraterrestres pour créer un vaccin contre l’Huile Noire, ce virus qui constitue la force de vie des extraterrestres. Certains membres du Syndicat considéraient que le vaccin était la mission prioritaire. D’autres ne croyaient guère à cette piste et voyaient la collaboration active comme leur seule chance de survie.

Le monde des X-Files est complexe. D’autres forces concurrentes au Syndicat ont été présentées – principalement les Russes, engagés de leur côté dans une véritable résistance (Tunguska, Patient X).

L'homme devenu monstre

L’homme devenu monstre

Aujourd’hui, nous découvrons ce qui semble être une conspiration dans la conspiration, le moyen de rayer purement et simplement la quasi-totalité de l’Humanité de la carte. L’Homme à la cigarette, figure trouble et complexe, est semble-t-il au centre de cet enjeu.

Ce programme secret a utilisé un des éléments du Projet du Syndicat – le catalogage de tous les individus (Anasazi, Herrenvolk) – pour injecter à toute la population un Virus Spartiate (un virus dans le virus, infiltré dans le vaccin contre la variole, en plus du marqueur destiné au catalogage). Ce virus est destiné à être activé le moment venu pour supprimer le système immunitaire de ceux qui ont reçu le vaccin (et de leurs descendants, puisque le Virus Spartiate s’insère dans l’ADN des gamètes et se transmet de manière héréditaire), ce qui les condamne à mourir du premier rhume venu.

Quel est l’objectif de cette manipulation terrifiante du génome humain ? C’est la question laissée sans réponse, celle qui pousse aux conjectures en attendant qu’arrivent les prochains épisodes.

Les êtres humains sont la principale ressource des Aliens. Au départ, ils avaient prétendu vouloir contaminer l’espèce humaine avec l’Huile Noire pour en faire un simple hôte. Le Syndicat avait ensuite découvert qu’ils avaient en réalité la possibilité (sinon l’intention) de nous digérer pour repeupler la planète (Fight the Future).

On voit bien que malgré la collaboration, aussi bien les extraterrestres que le Syndicat se mentaient copieusement les uns les autres. Aliens et Syndicat sont puissants, mais ni l’un ni l’autre ne sont tout-puissants, ce qui participe du réalisme et de la complexité de l’univers.

Cette destruction génétique programmée de l’humanité a-t-elle été conçue pour s’opposer aux Colonisateurs ? On peut conjecturer qu’en mettant en avant sa capacité à supprimer l’essentiel de la population, le Fumeur a pu empêcher la colonisation prévue en 2012. Ce n’est pas sans précédent. En 1973, c’est une menace similaire, retourner l’arme atomique contre la Terre pour détruire l’humanité, qui a permis au Syndicat de « convaincre » les Aliens de s’engager dans la collaboration avec eux.

Mais malgré cette victoire, le Fumeur a décidé d’aller de l’avant, de détruire le monde sous sa forme actuelle pour devenir le roi d’une « élite » de survivants.

 

Musings of a mad man

Si la conspiration de ce revival de The X Files s’est articulée autour de la résurrection de l’Homme à la cigarette, c’est bien parce qu’elle trouve ses racines loin dans l’histoire développée lors de la série originale, et parce que le Fumeur y a toujours tenu un rôle singulier. Celui d’un électron libre ne rendant de comptes à personne. Sa confrontation avec Mulder dans cet épisode est l’une des rares qui parsèment la série (la première, dans One Breath, est référencée le plus directement, suivront celles de One Son puis de The Truth). Elles ont toutes l’avantage de reposer sur les prestations impeccables de William B. Davis, mais aussi l’inconvénient de se terminer en queue de poisson, ce qui est encore un peu le cas ici : à chaque fois, Mulder arrive revolver à la main, prêt à descendre le Fumeur, à chaque fois il repart la queue entre les jambes assommé par les révélations et la rhétorique de son adversaire.

À l’inverse du Fumeur, d’autres figures emblématiques n’ont eu qu’un rôle limité cette saison, comme Skinner, tout simplement parce que l’histoire ne se prêtait pas à l’implication de son personnage. Nombreux sont totalement absents, y compris certains dont les acteurs ont appelé Chris Carter pour lui faire savoir leur disponibilité. C’est le cas de Laurie Holden, qui interprète l’informatrice survivante de Mulder, Marita Covarrubias, une actrice qui a pourtant gagné en notoriété après The Walking Dead mais aussi de son prédécesseur Mr. X (Steven Williams). Tous deux avaient été rappelés pour le tout dernier épisode en 2002. Je crois donc que c’est bien l’histoire que Carter voulait raconter, et son inscription dans les fondements thématiques qui définissent la série, qui a justifié le retour de ce personnage. (Sans parler du fait que les deux dernières saisons ont lourdement souffert de l’absence d’un antagoniste récurrent fort, impossible à imposer en seulement six épisodes).

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Dans les deux premières saisons de The X Files, le Fumeur était une figure le plus souvent silencieuse et qui semblait tirer les ficelles de la conspiration dont Mulder et Scully commençaient à peine à discerner les contours. Ce postulat était retourné par le premier épisode de la troisième saison (The Blessing Way), où l’on découvrait le Syndicat, le groupe de conspirateurs dont le Fumeur n’était qu’un membre parmi d’autres, et pas le plus puissant. Au sein du groupe, de véritables luttes de pouvoir existaient, et le Fumeur était vu comme un tueur, un individu dangereux avec lequel les autres n’aiment pas tellement se compromettre (Tunguska), et qu’ils essayèrent même d’éliminer au début de la cinquième saison.
L’Homme à la cigarette était un point faible, d’abord parce qu’il jouait toujours ses propres cartes, sans véritable solidarité avec personne, mentant souvent effrontément à ses collègues, mais aussi parce qu’il manifestait une fascination dangereuse envers son fils biologique, Mulder, qu’il essaya plusieurs fois de convaincre et/ou de recruter, en dépit de l’évidence de son rejet.

D’ailleurs, le fait que tous les héritiers potentiels de l’Homme à la cigarette (Mulder, Spender, Krycek) l’aient rejeté et/ou trahi a contribué à renforcer sa détermination à survivre à tout prix. Après cela, nous avons vu le Fumeur chercher la clef de l’immortalité (En Ami) qui lui a probablement permis de survivre aux tentatives de l’éliminer, qu’elles viennent de la conspiration (Requiem) ou des extraterrestres eux-mêmes (qui ont pris le contrôle via les Répliquants dans The Truth. À ce stade, il semblait donc être leur adversaire, c’est peut-être important dans le contexte de cet épisode).

Le Fumeur a mis quatre années après The Truth pour régénérer son corps à un niveau suffisant pour pouvoir parler à quelqu’un depuis son lit d’hôpital, d’après la chronologie donné dans My Struggle II. Son immortalité n’a été acquise qu’alors qu’il était gravement malade pendant la saison 7, ce qui explique sans doute qu’il soit figé à ce stade, avec sa trachéotomie, malgré sa régénération. Celle-ci figure clairement parmi les éléments les plus extrêmes montrés dans The X Files – cela dit Mulder lui-même a été déclaré mort et a passé trois mois littéralement enterré dans la saison 8 !

 

Alien DNA

Dans cette version des événements, l’Homme à la cigarette, malgré sa victoire sur les Colonisateurs, n’avait pas l’intention d’en rester à la menace. Encore une fois, sa santé mentale est remise en question dans la série au moins depuis Redux, à nouveau dans Two Fathers et One Son, avant que sa folie soit pleinement exposée dans The Truth. Son « élite » de survivants constituée, il est prêt à détruire le monde tel qu’il existe (prétextant qu’il courait de toute façon à sa perte) pour le « sauver » en le façonnant à son image.

Cette « élite », ce 1 % que le Fumeur juge digne de survivre, est sauvée par l’implantation dans son ADN d’un gène extraterrestre – ce qui permet d’expliquer ce que Scully avait découvert dans My Struggle I.

Nous savions depuis longtemps que l’humanité incorpore dans son génome l’ADN inactif de l’Huile Noire – le « junk DNA », un ADN parfaitement normal dans sa constitution qui permet à l’Huile Noire de nous digérer et de fabriquer des Entités Biologiques Extraterrestres. Ce n’est pas ce dont il est question lorsque Scully mentionne l’Alien DNA cette saison. L’anomalie qu’elle a identifiée rappelle au premier plan un élément de la biologie des extraterrestres qui n’avait pas été mentionné depuis le final de la première saison : leur ADN comporte deux nucléotides supplémentaires par rapport aux quatre qui existent sur Terre. Scully a donc identifié chez elle et chez Sveta un gène ajouté près du centromère sur le chromosome 17, qui incorpore ces deux autres nucléotides – ce qui explique qu’il est difficile à identifier puisque les révélateurs biologiques existants servent à mettre en évidence les quatre nucléotides connus. Ce gène alien code pour une protéine qui annule l’effet du Virus Spartiate. C’est donc un vaccin génétique qui assure la survie de celui qui le possède.

Il me semble qu’il s’agit là d’un élément particulier, différent de celui qui consistait à fabriquer un véritable hybride doté de capacités extraterrestres (sang vert porteur d’un gaz mortel, etc.), puis plus tard des Répliquants. Dans ces deux cas, bien plus qu’un unique gène caché était impliqué.

 

Et les aliens dans tout cela ?

We have just had the hottest year on record on planet Earth. I didn’t do that. I’m not responsible for the 40% loss of bird life or the decimation of the megafauna. Aliens predicted all this. They saw it happening to themselves.

Nous venons de vivre l’année la plus chaude jamais enregistrée sur Terre. Ce n’est pas de ma faute. Je ne suis pas responsable de la perte de 40 % des oiseaux ou de la disparition de la mégafaune. Les extraterrestres avaient prédit tout ça. Ils l’ont vu arriver à eux-mêmes.

À en croire l’Homme à la cigarette, les extraterrestres auraient détruit leur planète d’origine de la même manière dont nous sommes en train de détruire la nôtre. C’est, mine de rien, la première fois qu’une motivation à leur expansion colonisatrice est donnée dans la série.

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De deux choses l’une : soit le vaisseau qui apparaît au-dessus de Scully est un ARV militaire, comme celui qui a tué Sveta, et la saison 11 durera deux minutes, au terme de laquelle les agents seront tués et l’apocalypse inévitable… soit ce cliffhanger final ouvre la voie au retour des extraterrestres au premier plan de la série – ce qui permettra de rétablir la vérité sur la nature de la conspiration.

De fait, les extraterrestres de The X Files ont toujours montré un intérêt particulier pour les expériences génétiques, y compris après la fin du Syndicat et de la collaboration. Derrière ces recherches sur l’hybridation semble se cacher une quête mystique qui ramène aux origines de la vie – en lien avec ces Vaisseaux qui ont organisé l’évolution sur Terre, vus dans Biogenesis et Provenance, qui ont restauré la fertilité de Scully et fait de William le miracle qui lui confère un rôle particulier.

La manière dont cette saison a repositionné William au centre d’une quête à la Samantha est une de ses plus grandes réussites. D’autant plus que la recherche de la sœur de Mulder ne pouvait guère mener à un dénouement satisfaisant. Dans la série, Mulder a appris qu’elle était morte dans un épisode magnifique (Closure) qui a pris à revers et frustré nombre de spectateurs. Quelle aurait été l’alternative ? Passé une scène de retrouvailles de deux minutes, Samantha aurait disparu des enjeux.

Dans le cas de William, la quête est à la fois émotionnelle (la saison a montré que Scully ne pourrait pas retrouver de véritable équilibre personnel tant qu’elle ne l’aurait pas retrouvé) et mythologique, puisque William détient certaines des réponses que les agents cherchent – sans parler du moyen, ou de l’un des moyens, de sauver son père. Mais surtout, les retrouvailles avec William ne seront qu’une étape. Comment réagira-t-il en voyant ceux qui l’ont abandonné bébé, surtout si les retrouvailles n’ont lieu que parce qu’il peut sauver son père sur le plan médical ? Des enjeux humains et riches qui font que William, qui a 15 ans désormais, ne cessera pas d’être intéressant à l’instant où il sera retrouvé.

 

Quelle est l’origine de la « conspiration spartiate » ? Humaine ou extraterrestre ? J’ai plutôt l’impression qu’il s’agit d’un plan conçu et mené à l’insu de tous par le Fumeur. Une « conspiration d’hommes », contre les extraterrestres, qu’il a initiée, aidé par une poignée d’agents inféodés, à qui il promettait la survie au sein de l’élite. L’utilisation de Monica Reyes aujourd’hui renvoie à (et, probablement, explique) celle de Diana Fowley hier – l’obsession pour Mulder, encore, qui pousse le Fumeur à faire chanter et à retourner ses alliés. Y compris une femme comme Diana qui était amoureuse de lui.

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Cette révélation sur Monica est brutale, notamment parce qu’expliquée de manière très floue dans des flash-backs handicapés par un effet de contour d’écran aussi hideux qu’inutile. Mais, si elle incarnait en apparence une énergie très positive, n’oublions pas que la saison 9 faisait allusion à quelque chose de sombre caché au fond de son âme (Hellbound). Sans compter que Monica s’est mise en position pour être un agent double qui permet de faire basculer la situation du côté de Scully. Ce retournement a au moins le mérite de faire quelque chose du personnage qui, comme Doggett, risquait d’être trop redondant maintenant que Mulder et Scully sont revenus au centre des enjeux.

Toutefois, l’hypothèse inverse selon laquelle l’Homme à la cigarette n’agit pas seul, mais toujours en collaboration avec les extraterrestres, dans le but final de faire inoculer l’ADN alien à l’ensemble de la population humaine, n’est pas exclue. Il me semble cependant que davantage d’indices pointent vers une opposition entre eux. Je pense notamment à l’inquiétude du Fumeur à la réouverture du service des X-Files à la fin du premier épisode, alors qu’elle positionnait justement Scully à la place idéale pour jouer son rôle dans la dissémination de l’ADN extraterrestre. Une telle hypothèse voudrait aussi dire que le Fumeur avait prévu la trahison de Monica. C’est difficile à croire, et il semble plus logique que subsiste un élément de vérité à la thématique de la conspiration portée par des humains développée dans cette saison.

Si ce plan est bien prévu pour lutter contre les extraterrestres, ceux-ci, avertis des intentions du Fumeur au moins depuis 2012, auraient attendu leur heure avant de pouvoir intervenir à la dernière minute pour faciliter la propagation du gène extraterrestre. Celle-ci semble clairement rencontrer leurs intérêts. Seul le prochain épisode nous permettra de savoir dans quel but et pour quelles conséquences. Mais il semble de plus en plus certain que la « colonisation » maintes fois évoquée se référait davantage à une transformation de l’humanité qu’à sa disparition.

 

Un épisode sous speed, qui croule clairement sous le poids des kilomètres de backstory qu’il doit constamment exposer pour récapituler les événements survenus dans le passé. Malgré tout, la tension finit par prendre, pour peu qu’on soit suffisamment investi dans la série et ses personnages. Mais cette compression narrative fait que tellement de temps est passé sur le plot que cet épisode est le seul des six sans sous-texte ou propos émotionnel ou discours politique fort, ce qui contribue au sentiment de série B (genre qui a toujours fièrement inspiré la série, cela dit). Pour un fan de la mythologie, comme moi, il y a matière à beaucoup de réflexions et analyses. Pour les autres, ce sera certainement un peu juste.
Cependant, la décision de faire autant reposer le scénario sur des éléments scientifiques à la pointe de la recherche en biologie génétique est courageuse et innovante. Chris Carter a toujours la même confiance aveugle en l’intelligence de son public, quitte à ne communiquer qu’avec lui. La prévalence actuelle des séries qui racontent une histoire bouclée à chaque saison fait que la tradition des gros cliffhangers de fin de saison s’est perdue, souvent remplacée par des suspens plus intimistes sur des enjeux de personnages. Carter, au contraire, y va à fond et propose ce qui est peut-être le deuxième plus gros cliff de tous les season finale, après Anasazi. Preuve qu’il a décidé que The X Files était le meilleur véhicule possible pour raconter ses histoires, et que la série sera de retour aussi longtemps que Gillian Anderson et David Duchovny le voudront bien. Possible cependant qu’il faille attendre jusqu’à deux ans avant que la saison 11 n’arrive sur nos écrans.


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