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The X-Files 10×05 : Babylon (Critique de l’épisode)

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‘‘Do you believe that thoughts have mass, that ideas such as faith and forgiveness have weight?’’

 

Au sein des six épisodes de cette première saison du Revival de The X-Files, « Babylon » est la wild card, la proposition la plus en dehors des clous… et aussi la plus controversée. Ce qui, somme toute, était exactement l’intention de son auteur.

« Babylon » – Écrit et réalisé par Chris Carter

 

Une galerie d’art au Texas exposant des représentations de Mahomet est visée par un attentat terroriste. Deux agents du FBI chargés de l’affaire, Miller et Einstein, viennent consulter Mulder, à la recherche d’un moyen de communiquer avec un terroriste survivant mais en état de mort cérébrale. Ils espèrent qu’il puisse donner des informations sur la localisation du reste de la cellule. Chacun de leur côté, Mulder et Scully contactent celui des deux agents qui leur ressemble le moins pour proposer une approche d’entrée en contact…

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Un auteur

Pourquoi Chris Carter est-il revenu à The X-Files ? Cela fera peur à certains, mais la réponse courte est : pour Babylon. Ou, en tout cas, pour profiter de la liberté créative qui lui a permis d’écrire et de tourner Babylon. Partout ailleurs que sur X-Files, Carter aurait affronté un barrage de notes ou, plus probablement, un arrêt pur et simple du projet avec renvoi à la case départ.

C’est, à certains égards, ce qui s’est passé sur The After, sa série pour Amazon qui n’a pas dépassé le stade du pilote. Son scénario original pour le premier épisode de cette série, qui plongeait en enfer huit personnages très différents les uns des autres, se passait quasi intégralement dans le parking souterrain. Les exécutifs d’Amazon avaient poussé Chris Carter à rajouter les scènes à l’extérieur, qui montraient des images convenues de cataclysme en cours.
Dans un premier temps, Amazon a commandé la série, mais la plate-forme n’a finalement pas réagit positivement aux scénarios suivants et à la réalité d’une série qui confronte en permanence ses protagonistes à un environnement infernal. Le projet a été enterré.

Babylon est l’expression sans filtre d’un auteur, une fable douce-amère sur la coexistence de la haine la plus absolue et de l’amour le plus absolu sur fond de signes annonciateurs d’apocalypse, dont les aspects les plus controversés sont le produit de choix affirmés.

Ce n’est pas un épisode comique, et c’est une chance parce que la comédie de Chris Carter verse toujours dans une forme de misanthropie gênante qui fait des épisodes ratés (Fight Club, Syzygy…). Babylon s’inscrit en revanche dans la série de ses contes fantaisistes : Post-Modern Prometheus, Triangle et surtout l’épisode de la neuvième saison Improbable, le plus proche thématiquement. Seule conséquence positive du 11 septembre dans la série classique, Improbable découlait d’interrogations nées de ces attentats. Comment croire encore en Dieu dans un monde où de telles violences sont possibles ? Dieu lui-même apparaissait dans l’épisode, sous les traits de Burt Reynolds, faisant du play-back sur des chansons de Karl Zéro. Oui, improbable – mais aussi intriguant et profond. Tout comme Babylon qui pousse tous les curseurs à fond, y compris celui du fan-service. Pour un caméo de quatre secondes des Lone Gunmen, Carter a ainsi fait venir Dean Haglund depuis l’Australie où il habite désormais !

 

Parfaits opposés

En fond sonore de cet épisode, reviennent régulièrement des extraits d’un « débat » télévisé moderne : un dialogue de sourd au cours duquel deux hystériques débitent en hurlant leur monologue préparé sans jamais vouloir écouter la personne qui leur fait face. Et pendant ce temps, personne ne prête attention aux véritables sirènes de l’apocalypse qui sonnent.

Ce monde d’opposition extrême, il ne se trouve malheureusement pas qu’à la télévision. L’agent Miller est bien le seul à vouloir interroger le terroriste survivant. Un collègue du FBI se propose de le torturer, et le Département de Sécurité Intérieure propose de l’exécuter purement et simplement, sans autre forme de procès. Même une des infirmières de l’hôpital, motivée par son racisme, essaie de mettre fin aux jours du jeune homme. Face à cela, Miller, soutenu par Scully, Mulder et Einstein, avance qu’il faut traiter cet homme avec le respect dû à tout être humain, et que c’est seulement ainsi – en appelant à une humanité qu’on doit refuser de lui dénier – qu’on pourra obtenir les informations qui permettront de sauver des vies. C’est toute la politique américaine depuis le 11 septembre, de la war on terror à Guantanamo, prison hors de l’état de droit qui aura survécu à huit ans de mandat démocrate, qui se trouve vigoureusement désavouée.

Tout cela n’empêcha pas certains de critiquer Carter pour une dérive droitière imaginaire quand, en réalité, The X-Files est plus que jamais et tout comme Mulder, fermement ancrée dans la gauche contestataire. Carter célèbre l’ouverture d’esprit de ses personnages, celle qui a fait de Mulder et Scully, pourtant de parfaits opposés, des partenaires indivisibles.

Mais ne soyons pas naïfs : Carter savait parfaitement ce qu’il faisait, et les réactions qu’il allait susciter, le commentaire de la fiction étant amenée à devenir ce que la fiction elle-même dénonçait.

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Une attitude de troll qui s’incarne par exemple dans le ton de l’épisode qui n’a pas manqué de faire réagir : comment Carter pouvait traiter du thème du terrorisme avec légèreté, en incluant une scène d’hallucination où Mulder danse de la country (une séquence drôle mais qui aurait gagné à être plus porteuse de sens) ? Précisément parce que « l’objectif premier des terroristes est de promouvoir la terreur » (une réplique de Scully dans Fight the Future). Le meilleur service à leur rendre serait de céder à la terreur et de renoncer à la légèreté.

C’est un peu le même esprit qui préside à la création des personnages de Miller et Einstein. Pendant le développement de cette saison, les responsables de la Fox ont demandé à Chris Carter s’il pourrait envisager de prolonger la série d’un spin-off. Carter est en quelque sorte déjà passé par là avec Doggett et Reyes, et considère désormais qu’X-Files est intimement lié à Mulder et Scully et à leurs interprètes. Mais l’esprit de trollage lui fait créer les deux nouveaux agents, reflets presque parfaits de Mulder et Scully. Tellement parfaits que cela rend un spin-off totalement impossible, personne ne pourrait sérieusement prolonger la série en mettant deux clones au commande ! Là encore, l’hystérie des réactions montre que le goût de la provocation de Carter a touché droit au but.

Pour autant, il y a plus derrière Einstein et Miller qu’une bonne blague sur le compte de la frange la plus décérébrée du fandom. Ils sont aussi conçus pour incarner vivement certains aspects des personnalités de Mulder et Scully que le temps et les épreuves ont érodés. Chez Einstein, c’est la combativité, la volonté de se battre pour ses convictions qui est poussée au maximum, là où Scully est désormais depuis longtemps tentée d’abandonner, de renoncer à cette quête/mission sacrificielle pour mener une vie normale. Chez Miller, il y a une innocence et une foi en l’humanité que Mulder, vieux cynique désormais tenté de s’allier à une figure de droite radicale comme Tad O’Malley, doit retrouver.

Lauren Ambrose raconte que, sur le plateau, Carter l’a poussée vers une interprétation radicale et sans concession, en dépit des craintes de l’actrice (pas illégitimes) d’être prise en grippe par les spectateurs. Einstein est conçue pour être abrasive. Pas de surprise sur l’excellente prestation de la toujours charismatique et impeccable Ambrose. J’avoue en revanche avoir été très agréablement surpris par Robbie Amell, que je n’avais jamais vu auparavant, et dont je craignais l’aspect gravure de mode trop prononcé. Mais il incarne parfaitement les caractéristiques que Carter voulait mettre en avant, même si son personnage est un peu moins développé (en partie parce que la storyline de Scully mène à une quasi-impasse scénaristique).

 

Babylon est un épisode déséquilibré mais intrigant, maladroit mais extrêmement sincère, difficile d’accès malgré une tonalité légère, et riche au point d’être parfois un peu brouillon, si bien que sa profondeur peut parfois passer inaperçue. C’est en tout cas une véritable expérimentation qu’on peut estimer totalement ratée, mais qu’il m’est agréable de voir au milieu du revival d’une série qu’on aurait pu craindre trop formaté. Il divisera profondément, trouvant les faveurs de ceux qui préfèrent le fond symbolique des histoires à l’absolue rigueur scénaristique, et inversement.


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